jeudi 21 février 2013

Comment je suis devenue un acronyme.

C'était un jeudi.

C'était un matin.

C'était la Saint-Valentin.

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Je suis arrivée essoufflée et un peu transpirante d'avoir grimpé 3 étages et après 30 minutes de marche intense sur les trottoirs mal déneigés.

Contrairement à mon habitude de fille du sud, je suis à l'heure.

Ma gynécologue ne l'est pas.

Elle a 45 minutes de retard.

Je suis sereine.

Pour patienter, je papote avec des copines sur le chat Facebook... Je plaisante sur l'affiche pour l'échographie 3D, les photos du bébé en volume me font peur.

La patiente avant moi parle très fort. Pourtant le cabinet est grand. Je me concentre sur d'autres choses pour ne pas profiter de sa consultation. Elle parle beaucoup. Beaucoup plus que la gynécologue que j'entends à peine. 

Elle sort finalement et je range mon portable et met mon sac en bandoulière. La gynécologue m'appelle mais se trompe de nom, je lui précise que ce n'est pas moi, elle regarde à nouveau son carnet de rendez-vous car sa secrétaire n'est pas là et trouve mon nom.

Je rentre et m'assois.

Elle me demande pourquoi je suis là.

Je lui répond que c'est pour parler de conception.

Elle me dit :"Conception ou contraception?"

Je réponds en souriant : "Non, non, conception, je vous ai vu il y a 8 mois à peu près, j'aimerais savoir si tout va bien."

J'ai l'air jeune, je le sais. Elle me suit depuis 3 ans, mais je me dit qu'elle ne peut pas se souvenir de tous les visages qu'elle voit en consultation.

Elle me demande la longueur de mes cycles et me propose alors de passer à côté : "On va regarder tout ça".

Elle commence l'examen.

"Votre col est bien..."

J'avais déjà passé une échographie endo-vaginale auparavant, c'était un homme. Je m'étonne qu'elle ne suive pas son exemple et ne me prévienne pas qu'elle va introduire la sonde, elle n'est pas brusque, mais... moins prévenante...

"Bon, votre utérus est bien..."

Je regarde sur l'écran à côté de moi, je dois presque me déboîter la tête pour voir quelque chose. Je suppose qu'il est adapté à des patientes bien plus grandes que moi. Je ne comprend rien à ce que je vois sur le moniteur. 
 
Alors, je regarde le visage de la gynéco.

Elle n'a pas l'air franchement réjoui.

Et là, je sais.

Avant même qu'elle n'ait prononcé aucun mot, j'ai compris.

D'avoir fréquenté un topic d'essayeuse me laisse présager ce qu'elle voit.

Et puis finalement, elle le dit.

"Vous avez des ovaires polykistiques..."

Tu vois des dragibus? Bah j'en ai plein les ovaires!


Dans ma tête, quelque chose se passe. C'est comme si je venais de franchir le pont-levis du château et qu'on venait de laisser tomber la herse avant que je ne pénètre dans la basse-cour.

Je mets mon masque de fille un peu naïve, un peu cruche. Il marche très bien ce masque.

"Vous avez de grandes chances de faire une grossesse multiple!"

Moi, je fais avec mon masque :

"Oh mon dieu! Hihihi"

Dans ma tête, derrière le masque : "J'ai surtout peu de chances de tomber enceinte naturellement..."

Je me rhabille, je vais me rassoir à son bureau.

Elle ne m'a pas expliqué grand chose sur les ovaires polykistiques.

Sur ma fiche, je la vois écrire rapidement : O.P.K.

Voilà, je suis devenue OPK.

Elle me dit que ce n'est pas grave. Que je peux quand même tomber enceinte, que ça prendra plus de temps. Qu'on peut donner des petits coups de pouce pour aider tout ça.

Elle me prescrit de l'Estima gé. 

Je suis un peu rassurée, je me dis qu'elle me donne un traitement.

Je veux quand même comprendre comment tout ça fonctionne. A la base, je suis chercheuse, c'est instinctif, j'aime qu'on m'explique les choses, j'aime comprendre.

Alors, quand je sens qu'elle est à deux doigts de se lever pour terminer la consultation, je lui pose des questions .

Je comprends que je n'ovule peut-être pas ou mal. Je lui demande alors quel est le rôle de la progestérone dans tout ça...

"C'est pour aider à l'accroche..."

Dans ma tête, je ne vois pas trop l'intérêt, la question me brûle les lèvres : "Mais à quoi bon si je n'ovule pas?"

Mais je vois qu'elle veut en finir. Il est plus de midi et demi.

Elle me dit qu'on se revoit dans 7 mois. Je suis à 8 mois d'essais. Je suis nulle en calcul mental, mais je sais que 8+7, ça me mène à plus d'un an d'essai...

Je me lève, elle me raccompagne, la porte du cabinet se referme derrière moi et je reste un instant là, immobile, sur le palier.

Je suis sonnée. 

Depuis mes 21 ans, j'ai déjà fait 4 échographies pelviennes. Il n'y avait rien. Tous mes cycles sauf le dernier ont toujours été aussi réguliers qu'une horloge suisse.

Et pourtant, 10 ans plus tard, à cet instant, je suis devenue infertile. 

Je suis OPK.

mercredi 20 février 2013

Celle qui essayait.

Huit mois que je ne suis pas revenue sur ce blog. Après avoir écrit mon premier article, je me suis dit que non, ce n'était peut-être pas une bonne idée. Que j'allais ne plus penser qu'à ça. Que je vivrais essais, mangerais essais, boirais essais, dormirais essais...

Je ne voulais pas tomber dans l'obsession. 

Hi, hi, hi.





Raté.

Non mais la fille, quoi. Même Garcimore avait un taux de réussite plus important.

J'étais tellement pas dans l'obsession que je me suis inscrite sur un forum dans un topic "d'essayeuses".

Essayeuses donc, de celles qui essaient. De faire un bébé. (Oui, faut suivre un peu, dites.)

Ça a pas l'air comme ça un topic d'essayeuses, mais c'est tout un univers. Y rentrer, c'est un peu comme rentrer dans un truc initiatique. Si t'es pô dedans, tu comprend rien. Même que comme ça, limite ça ferait un peu peur.

Parce que d'abord, il y a le vocabulaire. Une essayeuse, elle parle pas comme tout le monde. Il lui faut intégrer tout un langage codé. 

Par exemple, on ne dit pas "les règles", mais "les reds"ou les "vilaines"... Pas "gynéco", mais "gygy"... ton mec devient "zhom", et les spermatozoïdes des "zozos"...

Je pense avoir une explication rationnelle à ce phénomène étrange qui consiste à réduire drastiquement des noms communs à seulement deux syllabes, et à rajouter des voyelles partout. Après une longue et sérieuse analyse digne de Lévi Strauss, j'en ai déduit qu'il s'agissait peut-être d'une sorte d'anticipation instinctive au langage bébé.

Oui, je sais. J'avoue que je suis assez fière de ma réflexion socio-ethnographique

Bon, le vocabulaire, c'est une chose, parce qu'ensuite, vient l'étape obligatoire de la "récap'". Ah oui, parce que là encore, "récapitulatif", ça doit être un peu trop long, ça fait beaucoup de syllabes pour une essayeuses, voyez. 

Une récap', c'est un truc un peu cabalistique au premier abord, avec tout plein de pseudos aussi chouettes que "Chouchou42", "Babychou35"... suivis de données statistiques sur la durée de vie avec "zhom", l'âge, le poids, les mensurations, la taille du kiki... naaaaaan, je déconne.

Ce serait trop intime, quand même.

On se contente juste de noter tous ses cycles d'essais, leur durée, le résultat de son dernier frottis, si tout y va bien dans son utérus ou ses ovaires... La routine de tes organes génitaux et de ton appareil reproducteur, quoi.

Pis après, y a les discussions. Entre les essayeuses de la récap' donc. Pour le pauvre profane qui passe par là sans avoir au préalable acquis le vocabulaire de base, je préviens, les extrait de dialogue qui vont suivre risquent d'être un peu incompréhensibles.

"Kikichou1988 : Hiii, je suis à J14 aujourd'hui, et j'ai remarqué de la GBO dans mon Fdc! Ce soir, c'est TP obligatoire avec zhom XD!

Angelica54:  Lol! Dites les filles, je sais pas, mais je suis à J17 et j'ai le téton gauche qui est très tendu, je fais caca mou et j'ai envie de dragibus jaunes, vous croyez que c'est la nidation?

Sandyaimelesbebes : Han, peut-être, tu devrais faire aller pisser, non? Va acheter un Clearblue Digital!"

Nous pouvons constater que l'essayeuse est très enthousiaste, dotée d'une forte dose d'optimisme et de patience.

Bref... j'ai testé un topic d'essayeuses pendant 8 mois.